A l’occasion du centenaire de la commande du 1er décembre 1915 des 500 premiers obusiers pneumatiques BRANDT de 60mm, nous avons souhaité publier en 4 parties une monographie rédigée fin 1993 à l’intention de l’Association par Monsieur François BRANDT, fils d’Edgar BRANDT. Le texte et les croquis de Monsieur François BRANDT sont reproduits dans leur intégralité.
5. Naissance, fabrication et diffusion de l’obusier de tranchée BRANDT de 60 mm pneumatique.
Edgar William BRANDT possédait à Paris un modeste atelier de ferronnerie d’art depuis 1902. Il réalise des œuvres originales qui commencent à le faire connaître alors que la guerre éclate brutalement et transforme la vie de chacun.
Bien qu’étant père de deux fillettes et déjà dans sa trente-quatrième année, BRANDT se voit mobilisé le troisième jour et rejoint le 153ème régiment d’infanterie à Toul (division de fer). La tâche d’observateur lui est confiée dans un secteur du front de l’Est. On assiste à la bataille de la Trouée des Charmes (succès français) le 25 Août, mais très rapidement s’installe la désastreuse et si meurtrière guerre de tranchées imprévue et démoralisante.
BRANDT déplore l’insuffisance des moyens dont disposaient les fantassins face à un ennemi solidement retranché. Savamment défilés et protégés, ses postes de tir déciment de leur feux croisés les fantassins français au cours de leurs courageuses mais suicidaires attaques destinées à reconquérir le terrain perdu.
Conscient de la gravité de la situation, BRANDT, grâce à son imagination fertile, entrevoit une solution d’arme simple apte à combler cette lacune de l’équipement des combattants. Il met à profit ses soirées de répit ou de repos pour établir le projet d’un obusier pneumatique possédant des multiples avantages.
Il conçoit et trace également un projectile explosif empenné pour l’obusier, rien n’existant dans ce domaine à l’époque.
L’originalité du nouveau matériel étudié résidait dans le fait qu’il ne comportait ni canon rayé, ni culasse, ni frein de recul, ni berceau, ni douille ou poudre propulsive ! Son fonctionnement était basé sur l’emploi de l’air comprimé.
Ceci étant, il se trouve qu’un jour de repos, le commandant du 153ème surprit BRANDT en train de tracer l’engin imaginé. Ce commandant demanda à BRANDT ce qu’il faisait et quelle en était la raison. Ce dernier lui fit part de ses vues et commenta la conception qui devait réponde au besoin apparu lors des engagements. Il développa les caractéristiques et les avantages du matériel étudié et expliqua son fonctionnement. Intéressé et frappé par l’aspect et les performances du futur obusier, ayant aussi parfaitement analysé les failles de l’armement français, ce chef décida de donner à BRANDT une permission exceptionnelle afin qu’il puisse se rendre dans la capitale pour affiner son projet et le soumettre au Ministère de la Guerre.
Arrivé à Paris, BRANDT rendit visite à son vieil ami Léon GAUMONT et le met au courant. Saisissant l’intérêt de la chose, ce dernier conseille à BRANDT de rester à Paris car « il ne serait pas possible en quelques jours seulement de donner une suite positive à ce projet ». Pour ce faire, Léon GAUMONT, qui travaille pour l’Armée, propose à son ami de le faire affecter comme dessinateur de cartes, suivant les photographies aériennes, dans ses bureaux parisiens. Cela pourrait lui permettre, aux heures libres et le soir, d’établir les plans de détail pour la fabrication d’un prototype. D’après Léon GAUMONT, le plus convaincant était de montrer aux Services Officiels de l’Armée « un article achevé », sans quoi l’idée ne pouvait pas avancer, la remise simple des dessins n’aurait conduit à rien de positif et le projet serait rapidement tombé dans l’oubli ! (sans voir le jour …). Léon GAUMONT (BRANDT avait 17 ans de moins que lui) avait parfaitement raison.
Après les démarches nécessaires, BRANDT fit une démonstration à Maisons-Laffite et les responsables prirent la décision de lancer la fabrication. Les usines du frère de BRANDT se chargèrent de la production avec grande réussite.
La préparation et l’équipement des ateliers nécessita de gros efforts, de même que la production de série qui suivit. Le temps devait être économisé au maximum.
Si l’on sait qu’en 1915, une commande de 500 pièces du modèle A avec 500 000 projectiles explosifs fut passée, puis qu’en 1916 une seconde commande de 3 000 pièces du modèle B accompagnée d’un lot de 3 000 000 de projectiles explosifs suivit on saisit vraiment l’importance du rôle qu’a pu jouer jusqu’à la Victoire ce type inédit et très particulier de petit obusier mobile de 60 mm, dit de tranchée et d’accompagnement, qui dota les unités d’infanterie françaises sur toute l’étendue du front…
Ce matériel, fort apprécié par les fantassins en raison des services qu’il rendait, resta en usage dans l’Armée jusqu’en 1928, le nouveau fameux mortier de 81 mm STOKES-BRANDT apparaissant alors (portée, puissance, cadence, etc.).
On a constaté que durant la Grande-Guerre, les allemands ne copièrent pas l’obusier BRANDT de 60 mm, ayant de leur côté la « Tourterelle », bien que lance-grenade imprécis. Par ailleurs, plusieurs autres raisons, sur lesquelles il serait trop long de s’étendre ici, les firent renoncer à fabriquer en Allemagne, un engin similaire à l’obusier BRANDT.
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Remerciements
François, Jérémy, Benoit, Patrick, Claude.
Sources
Correspondance privée entre Monsieur François BRANDT et les membres de l’Association.