A l’occasion du centenaire de la commande du 1er décembre 1915 des 500 premiers obusiers pneumatiques BRANDT de 60mm, nous avons souhaité publier en 4 parties une monographie rédigée fin 1993 à l’intention de l’Association par Monsieur François BRANDT, fils d’Edgar BRANDT. Le texte et les croquis de Monsieur François BRANDT sont reproduits dans leur intégralité.
2. Qualités particulières.
- Légèreté et faible encombrement. Transport à dos d’homme.
- Mobilité, maniabilité, robustesse.
- Simplicité de service.
- Rapidité de mise en œuvre (sans préparation du terrain).
- Déploiement facile (apte à s’installer en un instant dans des excavations accidentelles du terrain identiques à celles utilisées par l’ennemi pour y placer ses mitrailleuses).
- Vulnérabilité réduite (cible de faibles dimensions).
- Précision du tir courbe permettant d’atteindre les objectifs ponctuels défilés (dans cratères, tranchées, boyaux, derrière talus, ruines, rochers, troncs, etc).
- Distance de tir couvrant la zone cruciale dite « de sécurité ».
- Cadence de tir élevée, inhabituelle (feu intensif possible).
- Discrétion du tir. Pièces non repérable. Tir silencieux, sans flamme ni fumée. Effet de surprise assuré.
- Efficacité du projectile explosif « défensif » bi-ogival, fonctionnant instantanément à l’impact.
- Légèreté de la munition. Nombreux coups à disposition, transportés avec l’obusier. Approvisionnement facilité.
- Faculté de lancer divers types de projectiles (éclairants, fumigènes, de signalisation, toxiques, « offensifs », etc).
- Sécurité de stockage et de transport (fusée armée manuellement seulement avant l’emploi).
- Aucun terrassement du sol pour placer le socle d’assise.
- Aucun encrassement du tube (pas de poudre noire).
3. Rôles essentiels.
a). Depuis ses positions d’attente, et abrité, destruction des nids de mitrailleuses ennemis à ciel ouvert installés dans des retranchements ou des cratères d’obus, derrières des talus, ou des pans de murs, etc., destinés à enrayer les attaques françaises.
Ces postes défensifs avaient souvent pu échapper aux bombardements préparatoires de l’artillerie lourde. Ils étaient d’autres fois trop rapprochés pour que l’artillerie lourde puisse intervenir, devant respecter la fameuse zone de sécurité, dite « vide de feu ». Par ailleurs, ces postes se trouvaient en principe bien préservés des tirs tendus exécutés par les pièces d’artillerie de campagne, comme trop distants pour qu’il soit possible de leur lancer des grenades à main. Il est évident que les tirs à balles étaient également inefficaces contre eux en raison de la forme donnée aux talus des emplacements choisis pour les abriter de face. L’organisation des feux croisés de mitrailleuses par la défense ennemie lui permettait ainsi de masquer totalement son armement aux assaillants arrivant presque automatiquement sur le devant et perturbés par la présence de barbelés encore intacts.
b). Progression avec les fantassins afin de pouvoir reprendre rapidement position plusieurs fois de suite pour éliminer les uns après les autres les postes de tir ennemis qui se révélaient inopinément en profondeur au cours de l’action, ayant échappé aux préparations d’artillerie.
c). Tirs à contre pente, dans des défilés, replis de terrain, bosquets, etc, pour freiner la progression des assaillants.
d). Tir accéléré sur les tranchées de l’ennemi précédant l’assaut imminent qu’il a prévu, afin de désorganiser ou d’affaiblir son action.
e). Tirs de contre-batterie sur des « Tourterelles » ou des mitrailleuses lourdes installées dans les tranchées et ouvrages ennemis à ciel ouvert.
f). Arroser par des tirs répétés une tranche du terrain déjà bousculé et inégal emprunté par la vague d’assaut de l’infanterie ennemie afin de l’affaiblir ou de la freiner.
g). Concentrer le feu de plusieurs obusiers sur un mortier lourd, ou toute autre cible conséquente, pendant son acheminement lent vers la position qui l’attend.
h). Participer à la préparation d’un « coup de main » par un feu bien délimité, sélectif et nourri (même nocturne).
i). Tirs inopinés d’usure, de tranchée à tranchée, en vue d’affaiblir l’ennemi, de le démoraliser, de le désorienter (par nuit noire, pluie intense, heures chaudes, etc).
j). Les possibilités et la souplesse de l’obusier BRANDT de 60 mm, capable d’intervenir contre ce qui se terre ou ce qui émerge, lui permettent par exemple de protéger une section d’attaque qui se retire après le résultat obtenu, ou de couper la retraite d’un groupe d’assaut ennemi.
4. Observations.
Il est inexact d’affirmer :
1). Que « la fragilité de l’empennage constituait le principal défaut des projectiles BRANDT » et que « la moindre déformation des ailettes se traduisait par une réduction de portée de l’ordre de 50% » !
En effet :
- Cette réduction pouvait peut-être se chiffrer tout au plus à 5% (et non 50%).
- Cet incident se produisait peu souvent lors des manipulations du projectile, vu sa petitesse et sa légèreté.
- Il ne s’agissait pas d’un défaut important, toute munition étant sujette à s’endommager avant l’emploi (douilles enfoncées, fusées écrasées par exemple).
- La consigne était de ne pas utiliser un projectile visiblement abimé, ce qui est normal (donc sans conséquence).
2). Que « la puissance des munitions était trop faible »…
Même une simple grenade à main, deux fois moins efficace pourtant, aurait eu un effet encore bien suffisant sur les cibles prises à partie ! On a d’ailleurs vite reconnu, déjà en 1915, que les quelques autres lance-bombes ou obusiers, venus sur le front en faibles quantités compléter l’équipement des unités, n’avaient en fait pas une efficacité antipersonnel supérieure à celle de l’obusier de 60mm BRANDT, malgré leur calibre plus important ! (86 mm, par exemple, pour les engins Hachette et Boileau-Debladis) et leur poids bien plus élevé.
3). Que « la portée de l’obusier BRANDT était insuffisante ». Inexact !
En effet, contrairement à ce qui est prétendu, cette portée s’est vue augmentée par rapport au modèle 1915, dont le projectile atteignait déjà 420 m. Le modèle 1916 tirait à 585 m, ce qui était alors considéré comme suffisant devant les tirs à balle ennemis. De surcroit les rares matériels autres qui furent testés par l’infanterie ne portaient qu’à 275 m tout au plus ! Avec 585 m, la profondeur du terrain, sur laquelle les feux des armes automatiques étaient à redouter, se trouvait couverte.
4). Enfin « qu’au-delà de 150 m la précision était compromise ».
Ceci est encore faux.
Comme tout lanceur, la dispersion de l’obusier BRANDT modèle 1916, le plus fabriqué, augmentait en fonction de la distance de tir.
Il est évident qu’il était impossible de garantir d’atteindre de façon certaine du premier coup, ou même avec une demi-douzaine de coups, un entonnoir d’un diamètre de quatre mètres distant de 500 m ! C’est d’ailleurs pourquoi la cadence rapide du tir caractérisant l’obusier pouvait s’apprécier dans ce genre de cas extrême. Il faut savoir rester raisonnable dans ses appréciations (même en tir à balle direct, il fallait plus d’un coup, en moyenne, pour atteindre une cible distante de cent ou deux cents mètres !).
Regardons attentivement ces chiffres (arrondis) qui mettront tout le monde d’accord quant aux estimations :
Surface d’un trou de 4 m de diamètre : 12 m²
Surface battue par la dispersion normale à 500 m de distance : 500 * 3% = 15m, 15 * 15=225m²,
225 / 12 = 18 coups nécessaires, en moyenne, (suivant la loi des probabilités) pour atteindre la cible*.
Et en cas de mauvaise visibilité, de fausses estimations de la distance ou de fort vent, les conditions deviendront plus difficiles. Il faudra réajuster le pointage et/ou perdre des coups à tâtonner. L’observation des résultats deviendra également moins juste à une telle distance pour un si petit engin à tir courbe.
Il sera par ailleurs employé des coups inutiles, le pointeur de la pièce supposant parfois que le but n’a pas été atteint, alors qu’il l’a été … Les difficultés du combat peuvent amener du dépointage…
Tout matériel peut être critiqué, mais pas injustement, surtout si on n’a rien de mieux à lui substituer ! Une arme idéale tiendrait du miracle et il faut rester réaliste.
Il convient de bien saisir que c’est l’utilité réelle d’un matériel (bilan) qui prime. Le succès rencontré par le modèle 1916 de BRANDT fait heureusement oublier les trop sévères et inexactes critiques tendancieuses, qui tentent si tardivement, longtemps après les combats, de dévaloriser la réalisation judicieuse, sa valeur, et ses services rendus.
*NDLR : L’association tient à préciser qu’elle ne cautionne pas cette méthode de calcul, ni le résultat obtenu.
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Remerciements
François, Jérémy, Benoit, Patrick, Claude.
Sources
Correspondance privée entre Monsieur François BRANDT et les membres de l’Association.