Étymologie de l’usine de CHEVAU par Jacques PONS


La couverture du livret du cinquantenaire en 1988 arborait un superbe équidé. Michel PETIT, membre de l’association, a voulu en savoir plus sur l’origine étymologique du patronyme de l’usine et nous a transmis ce texte de Jacques PONS.

Couverture du Livret du Cinquantenaire (1988). © AAMC, Fonds TDA.

Couverture du Livret du Cinquantenaire (1988). © AAMC, Fonds TDA.

CHEVAU et CHEVAUX (Soyer, p. 577)

Extrait page 577 de "Les noms de lieux du Loiret" par Jacques SOYER. Source AAMC, Fond Petit.

Extrait page 577 de « Les noms de lieux du Loiret » par Jacques SOYER. Source AAMC, Fond Petit.

SOYER découpe ces deux mots en (Chef-) + (-vau). Il identifie dans la première syllabe Che(f-) ou Che(v-) un élément proche du latin cap(ut) / càp(um), dont le sens premier est « tête », mais qui a aussi un double sens figuré : « bout, extrémité » [espagnol cabo ; occitan cap (cf. Cap de Ville, Cap de Joux)] et, à l’inverse : « début, point de départ». D’où la construction qu’il propose : che(f) vau = le bout d’un « val », l’entrée d’un « val ». Cette analyse est phonétiquement valable, car on peut imaginer que le f terminal de la syllabe « chef- » ait été absorbé par le v qui suit. Ce fait phonétique s’est produit, par exemple dans Poncheville (<Pon chef-ville). SOYER ne connaît qu’un seul substantif « val » : celui qui provient du latin vallis (3ème décl.), « vallée », et qui a donné, en français, le « Val 1 (<vallem) ». Il ignore le « Val 2 » et le « Val 3 » qui sont tous deux, et comme le gaulois vallo, issus du latin vallum (2ème décl.), mais ont des sens différents.

Ainsi, si l’on trouve valable (?) le découpage proposé par SOYER, on peut fort bien ne pas recourir au « val 1 » venu de vallem, et comprendre les (Chevau ou Chevaux soit comme des endroits-limites d’un domaine (val 2), soit comme des points de départ d’un canal d’amenée (val 3).

Mais chevau ne doit pas forcément être découpé en che(f) / che(v) + vau : il peut provenir, également, de l’adjectif bas-latin capalis (espagnol cabal), qui a été forgé comme un dérivé du mot caput (déjà déformé en *càp-um) et qui a été employé avec des sens différents :

  • Quand il n’est pas substantivé, il a gardé son sens de : « terminal », ce qui a pu lui faire prendre, d’autre part, la signification morale (dérivée) de « définitif, incontestable, au-dessus de toute objection ». En toponymie, pourtant, il semble peut-être (?) avoir gardé, quelquefois, son sens topographique de « situé à la limite ».
  • Quand il est substantivé (ce qui est le cas en toponymie), il signifie : « droit de jouissance incontestable », ce qui lui a fait prendre les sens dérivés de « bien inaliénable », puis, en fin de compte, de : « bien foncier ». Le substantif catalan cabal est rendu par : « pécule ». Il a désigné un bien tenu en propre par une personne dépendante (serf vis-à-vis du seigneur, ou fils mineur vis-à-vis du père). Devenu toponyme, il a fourni de nombreux patronymes dans le Midi : M.-Th. MORLET donne au substantif cabalh, devenu nom propre, le sens plus général de « fortune » (qui était normal en un temps où la fortune était terrienne). Mais il semble plus exact de comprendre le toponyme Chevau(x) dans le sens précis de :
    « bien foncier sous le régime du péculat ».

Jacques PONS, (ancien élève de l’école nationale des chartes).

Remerciements

Jacques PONS, Jacques SOYER, Michel PETIT.

Source

Jacques SOYER, Les noms de lieux du Loiret, Edition Hovarth, 1979.